Enfants à haut potentiel et vulnérabilité émotionnelle

Zèbres, précoces, hauts potentiels, surdoués, surefficients mentaux, autant de mots pour désigner une multitude de profils d'enfants dont le QI atteint ou dépasse les 130. Si « douance » (terme utilisé en Belgique et au Canada) ne rime pas forcément avec souffrance, les personnalités et les comportements diffèrent et tous les enfants ne sont pas bien dans leurs baskets, ni des cracks à l'école ou à l'aise dans leur relation à autrui.

 

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

Pour ceux dont les capacités cognitives sont en décalage avec leur maturité affective, pour ceux dont l'intellectualisation permanente est anxiogène, il s'agit d'apprendre à vivre avec ses émotions à fleur de peau, ses doutes et ses questionnements. Trouver sa place parmi les autres, s'accepter tel que l'on est et se reconnaître comme ayant de la valeur s'avèrent éprouvant (pour eux-mêmes et leur entourage).

Nolan, aujourd'hui adulte

Dès la maternelle, Nolan s'est appliqué à brider son verbe. Son besoin impérieux de sens, sa pensée en arborescence entraînaient des « pourquoi » en rafale, qu'il a refrénées. Sans repos, sa tête en ébullition constante lui donnait l'impression d'être un lion en cage, d'être fou. Estimant que les personnes complexes donnent souvent lieu à des rapports humains compliqués, il s'est efforcé de ressembler aux autres. De peur d'être le vilain petit canard, il a choisi de taire qui il est vraiment.

Émilie, 11 ans

Émilie a l'impression que son cerveau n'a pas le même âge que son corps. Elle recherche la compagnie des adultes bien qu'elle ait deux ans d'avance sur ses camarades de classe. Elle souffre de sa différence et pense parfois que mourir serait une solution pour ne plus se sentir comme une extra-terrestre. Le journal intime qu'elle tient depuis qu'elle sait écrire lui permet de décharger les émotions brassées jour après jour.

Jad, 6 ans

Jad ne peut contrôler son esprit en domino. Sa curiosité intarissable le confronte aux « tais-toi », « tu parles trop », « tu nous fatigues avec tes questions ». Il est en CP, c'est un bon élève, mais n'est ni proposé au saut de classe ni enclin aux devoirs supplémentaires. Ce qui lui importe c'est de discuter et de trouver des réponses à ses interrogations existentielles. Parce qu'il n'aime pas le foot et les jeux de billes, il se sent souvent seul et pleure beaucoup, se demandant pourquoi il est né. Ses relations avec les autres enfants prennent souvent une tournure conflictuelle, il se braque pour un mot pris au pied de la lettre et interprété de façon négative.

Alix, 4 ans

Multipliant les épisodes de colères excessives et de gros chagrins, Alix a l'impression de s'enfoncer dans des sables mouvants. Elle se sent désemparée et sans arme face à ses angoisses, pas un jour ne passe sans qu'elle ne parle de la mort. Elle se demande si elle est normale, si elle est aimable, et pourquoi son cerveau est toujours en marche. Elle se mord, se griffe, se tape la tête et se jette au sol lorsque sa détresse l'emporte. Son besoin de preuves d'amour et de valorisation est insatiable. Les dessins animés la déconnectent de ses pensées et l'apaisent.

Par volonté de perfectionnisme, par crainte de ne pas être à la hauteur, certains enfants se sabordent en se mettant en échec scolaire. Par peur du rejet, d'autres se mettent en retrait ou sont dans l'opposition. Inapte à se conformer à ce qu'on l'attend de lui, l'enfant se retrouve à tenter de lire le monde avec une carte du territoire qui n'est pas la sienne. Pris au piège entre le gâchis de ses potentiels et un immense besoin de se sentir accepté et reconnu dans sa singularité, la soif d'absolu de l'enfant peut aussi se heurter à la difficulté du lien avec autrui.

Cérébral et d'une hypersensibilité envahissante, l'enfant s'interroge précocement sur la finitude de la vie, sur la sienne et celle de ceux qu'il aime. Il veut savoir le pourquoi de tout. Ce qui n'est plus, ou échappe à la compréhension humaine (la préhistoire, la mythologie, l'univers, les limites du temps et de l'espace, ...) le fascine et l'effraie. Doté d'une intelligence particulière, l'enfant est submergé et dépassé par des questionnements existentiels qui s'enchaînent sans fin.

Tout étant passé au filtre de l'émotionnel, l'enfant à haut potentiel ne sait pas toujours gérer ses réactions et son affectivité exacerbées. Le parent se sent démuni face à son enfant en souffrance et en crise : obsession de la mort, phobie scolaire, autodépréciation, agressivité, sentiment de solitude ou d'étrangeté au monde...

L'accueil des ressentis de l'enfant précoce est l'une des clés pour l'aider à surmonter sa fragilité émotionnelle. Pour lui, comme pour ses proches, pouvoir s'exprimer dans un cadre sécurisant et bénéficier d'une écoute bienveillante permet de dire tout ce que l'on a sur le cœur, et de souffler lorsqu'on est à bout, pour ressentir un mieux-être. L'objectif du psychopraticien est alors de soutenir les membres de la famille (dans le cadre d'une thérapie familiale, ou individuellement), de les accompagner face aux difficultés rencontrées en leur donnant à comprendre ce qui se passe.

 

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

 

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