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Le burn out parental, quand les parents craquent

Vous seriez prêts à laisser votre fils aller à l'école en slip ou avec son déguisement de superman ?
Vous huuurlez à votre enfant d'arrêter de criiier ?
Vous ne tiquez plus en découvrant, au bureau, des traînées de bave sur vos habits ?

 

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

Vous prévoyez un repas bis au cas où Petite Chérie n'aimerait pas le menu du jour?
Vous avez retrouvé votre téléphone ou vos clés dans le frigo ?
Vous pensez avoir été un perroquet dans une vie antérieure ? « Mets tes chaussures », « va te brosser les dents», « ne coupe pas la parole », « dis bonjour à la dame »...
Vous avez déjà songé à partir à l'autre bout du monde sans laisser d'adresse ?

Si vous cumulez plusieurs réponses positives, alors vous êtes sans doute épuisés. Le burn out parental touche 5% des pères et des mères, et atteint toutes les couches de la société.

Mon enfant roi

Votre enfant : dynamique (pour ne pas dire survolté), a toujours son mot à dire, exprime bruyamment et sans retenue ses émotions, prend une immense place dans votre vie qu'il régente selon ses humeurs.

Vous : serviteurs à tout faire, aux petits-soins pour sa majesté en culotte courte, reconvertis en animateur de centre de loisirs (les gommettes et les colliers de nouilles n'ont plus de secret pour vous), en infirmier (la trousse de 1er secours toujours à portée de main en cas de bobo), en pédopsy (pour comprendre la personnalité de votre progéniture, pour écouter ses drames de cour de récré).

Apprentis-magiciens du quotidien, vous devez faire preuve d'astuces pour pouvoir passer un coup de fil incognito, pour faire manger des légumes à votre enfant ou l'endormir. Pour vous, la parentalité c'est un peu comme être une rock star, on vous suit partout (y compris aux toilettes), on scande des « maman » et « papa » d'une voix stridente ou désespérée, on vous tire par vos vêtements. Votre vie ne rime plus avec grasse matinée mais avec disponibilité.

Parents au bout du rouleau

Lorsque faire en sorte d'offrir des temps de loisirs à un enfant en bonne santé et scolarisé ne suffit pas, le besoin irrépressible d'en faire toujours plus passe par la gestion de tous les pans de sa vie (devoirs, alimentation, hygiène, relations sociales, vacances...). Des repas bios et équilibrés, des jeux éducatifs, des documentaires ludiques, des divertissements stimulants : la liste des pratiques recommandées pour que l'enfant s'épanouisse est longue.

À force de se démener pour ses enfants, la fatigue physique et morale peut se fait ressentir et certains parents éprouvent un sentiment de perte de contrôle, de tristesse et de frustration. Vouloir mener de front les tâches domestiques, sa vie professionnelle et conjugale, demande une intarissable énergie et des efforts renouvelés. Jonglant entre des nuits écourtées et des journées à rallonge, le parent s'essouffle et se heurte à un être accaparant et exigeant qui n'apporte pas toujours la reconnaissance espérée.

Pour ne pas gâcher le potentiel de son génie en herbe, pour qu'il réussisse dans tous les domaines, c'est la course aux activités extra scolaires dès la maternelle (sport, musique, théâtre, dessin, cours de langue...). Particulièrement investis par leur rôle de parents, certains font un enfer du mercredi (ou du samedi) en surchargeant l'emploi du temps. L'injonction au bonheur comme à la réussite sociale mène alors à l'hyper-activité, à une logistique compliquée qui perturbent petits et grands.

Habitués à parler avec des adultes (et parfois comme des adultes), bombardés d'occupations, les enfants paraissent de plus en plus intelligents, mais ne supportent pas de s'ennuyer et semblent montés sur ressorts. Dans un environnement où il faut tout faire à grande vitesse, le malaise de l'enfant peut s'exprimer par des problèmes comportementaux et une quête effrénée de satisfactions personnelles instantanées.

Du rêve au cauchemar : le tabou de la dépression parentale

Avec des enfants, la vie se complique parfois, on ne cesse de courir et la sensation d'épuisement peut être telle que la libido et l'estime de soi sont mises à mal. À défaut de pouvoir recharger ses batteries et s'octroyer du temps pour soi, le couple perd sa stabilité et ne peut rétablir l'ordre dans la famille qui risque l'implosion (violence, divorce...). Désarmés par l'hostilité du cadet, décontenancés par les difficultés rencontrées avec leur ado, certains ne savent plus quoi faire, opprimés par un quotidien où crispations et frustrations créent un inconfort psychologique à la limite du supportable.

Lorsque le burn-out s'installe (souvent proportionnel à la pression que se met le parent pour être irréprochable), un mal-être et un pessimisme envahissants peuvent apparaître. Des troubles du sommeil et de l'humeur, un abattement chronique, une irritabilité, une sensation d'overdose en sont les symptômes. Écrasés par une déprime diffuse et le sentiment de ne plus avoir la capacité de tenir les rênes de sa vie, les parents peuvent avoir tendance à se replier sur eux-mêmes, à connaître une forte variation de poids, des migraines à répétition, à fuir vers le travail ou des comportements addictifs (achats compulsifs, alcool...). L'impression de vivre en apnée donne lieu à des angoisses, une sorte d'hébétude, des sentiments ambivalents envers ses enfants (rejets, colère), des pertes de sang froid et des débordements (cris, brutalité). Usés, surmenés, parfois à la dérive, il n'est pas évident d'être attentifs et chaleureux. 

Comment le beau rêve initial du couple, d'avoir un enfant et de fonder une famille, se transforme-t-il en cauchemar ? Au bout de leurs réserves d'énergie, de plus en plus de parents viennent consulter pour dépression parentale : ils arrivent effondrés, vidés, et décrivent l'enfer qu'ils vivent au quotidien. Dès deux ans (voire avant), leur enfant s'agite, boude, s'oppose, et chamboule le foyer. Malgré tout l'amour qu'ils lui apportent, les parents ne parviennent pas à éviter ni son hostilité ni ses caprices. Un sentiment de déception, d'incompréhension et d'injustice prend place, au regard de leur investissement et de leur bonne volonté. Contre toute attente, leur enfant est pénible.

Les limites de la parentalité positive

Ayant tranché entre expliquer et gronder, entre entendre les besoins et punir, vous faîtes de votre mieux pour instaurer une autorité bienveillante. Livres et conférences expliquent comment parler à son enfant et accueillir ses émotions, comment éduquer sans lever la voix. L'adulte comprend le fonctionnement du jeune cerveau, mais encore que le physiologique et le psychique agissent sur sa capacité à maîtriser l'intensité des émotions ressenties. Apprenant pourquoi l'enfant a des réactions contradictoires et décharge ses pulsions sur lui, le parent se remet en question : « suis-je un bon père ? une bonne mère ? ».

En dépit de grands principes d'éducation positive, selon le modèle d'enfant dont la nature les a doté, ou de leur quota de patience (inversement croissant à l'heure du jour), les parents n'échappent pas au conflit et à la crise. Si certains enfants se conforment aux règles de vie tendrement distillées, d'autres se montrent plus récalcitrants, en fonction de leur âge et de leur maturité, mais aussi de leur envie de s'y soumettre. La pratique du dialogue s'avère infructueuse lorsque l'enfant, qui a beau comprendre les consignes et les interdits, n'est pas enclin à vouloir jouer le jeu, quand bien même il en mesure les conséquences.

Il ne s'agit pas de renoncer à ce travail, de tous les jours, qu'est la parentalité bienveillante mais d'admettre qu'on peut se sentir démunis malgré les nombreuses astuces pour rester zen avec ses enfants, malgré les diverses techniques pour réagir à leurs bêtises ou les éviter, malgré les méthodes certifiées pour devenir des parents efficaces.

L'autorité parentale

Craignant de mal faire ou de devenir abusif, le parent se retrouve parfois sans réaction face à son enfant qui fait une colère ou le frappe. Dépassé par une vie professionnelle souvent stressante et par une parentalité dans laquelle il place beaucoup d'enjeux, l'adulte peine à faire preuve d'autorité. Plus l'attitude de l'enfant est provocante plus ses parents sont déboussolés, et inversement. Pères et mères semblent parfois avoir peur de leur progéniture qui, dotée d'une détermination à toute épreuve, mesure leurs failles. Turbulent et ingérable face à des parents perçus comme vulnérables, sans points de repère, l'enfant tire le signal d'alarme d'un malaise familial. Harassés physiquement et psychologiquement, les parents perdent foi en leurs qualités d'adultes référents et responsables.

Mettre au monde des êtres sensibles demande d'être à la fois aimants et solides. Il semble nécessaire de (re)trouver la combinaison juste entre fermeté et affection, valeurs et autonomie. Investi d'une autorité naturelle, un couple solidaire et serein limite les tensions et cesse de redouter les réactions de son enfant. Nul ne naît avec le gène de l'enfant terrible ou l'envie de saboter la vie de ses parents. Envahis par des pulsions agressives, le petit a besoin d'un parent sécurisant sur lequel s'appuyer, d'un parent qui sache l'aider, le guider, le protéger et l'apaiser, mais qui sache aussi lui signifier les limites à ne pas dépasser. Une éducation basée sur la confiance et l'amour n'exclut pas une autorité positive, indispensable à l'équilibre et l'épanouissement des enfants. Il ne s'agit pas de confondre bienveillance et laxisme ni d'adopter une sévérité forcenée, qui provoquerait des remords, mais de croire en ses compétences parentales.

(R)évolution de la parentalité et burn-out

Avant les années 70, l'éducation reposait sur l'autorité des adultes, détenteurs du savoir et des moyens de subsistance. Les parents ne s'intéressaient pas spécialement à ce qui se passait dans la tête des plus jeunes, et leurs ordres ne se discutaient pas. Puis Dolto et d'autres ont plaidé en faveur des enfants et de leur psychologie très subtile. La conception de la parentalité évoluant avec le temps, il apparaît aujourd'hui important de parler aux enfants et de leur donner la parole. Dans leur manière d'envisager un respect mutuel, trop exigeants envers eux-mêmes, certains se perdent entre culpabilité et doutes sur leur légitimité. Cette éducation, qui passe par une volonté de perfectionnisme, s'explique souvent par l'histoire personnelle, si on a eu soi-même des parents exemplaires ou défaillants.

Source de stress, les conseils éducatifs ne cessent de se contredire dès la naissance de l'enfant : allaitement? biberon? co-sleeping ? faut-il ou non laisser pleurer son bébé ? fessée or not fessée ? Chaque pédiatre, mère et grand-mère, ou forum de discussion sur le net a une opinion divergente argumentée. À trop considérer les enfants comme des adultes en miniature, certains ne réussissent pas à donner un cadre à leur enfant, dont le besoin de sécurité affective est confronté à la nervosité et aux angoisses parentales. En proie à des questionnements sur le rôle à tenir, pères et mères ne savent parfois plus ce qui relève du devoir moral d'être un bon parent et de l'amour pour son enfant.

Reconnaître le burn-out et y faire face

Sans connaître le burn-out, certains parents éprouvent de la lassitude et un sentiment de culpabilité à la pensée de ne pas être à la hauteur. Ils s'interrogent sur un dysfonctionnement familial qui peut faire écho à une difficulté à se positionner face à son enfant. S'avouer épuisé et parler de ce que l'on vit, dans son couple, avec la famille ou les amis, permet de verbaliser ses ressentis et ses besoins, de se reconnecter à la tendresse pour son enfant.

Sans autre choix que mettre un pied devant l'autre, condamné à ne pas pouvoir démissionner de son rôle de père ou de mère dont lequel il ne s'épanouit pas, le parent peut s'écrouler. Un soutien psychologique donne la possibilité de déposer son fardeau, sans jugement ni tabou, pour comprendre et appréhender le décalage entre l'idée que l'on se fait de la parentalité et de ses enfants, et la réalité. Oser se tourner vers un professionnel aide à faire un état des lieux d'une situation qui dégénère et conduit petits et grands au bord du gouffre. Accompagné du psychopraticien, vous saurez trouver des clés pour modifier des comportements générateurs de contrariétés et de souffrance.

À tout moment, il est encore possible de réagir, d'admettre que l'on est ni increvable ni tout-puissant, pour lâcher prise et ne pas se laisser engloutir par un désir de performance parentale. Un travail sur soi permet d'arrêter de se créer des obligations de super papa ou super maman, d'identifier ses émotions et sa capacité à résister (selon les jours) à la fatigue et au stress, d'apprendre à user d'une autorité consistante et cohérente. Il s'agit de prendre en considération les limites de l'enfant, sans oublier ses propres limites, pour accepter l'idée de se sentir parfois débordés et découragés. Le parent parfait n'existe pas, ni l'enfant idéal.

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

 

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