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Le poids des étiquettes : je ne suis pas ce que tu penses de moi

Mettre autrui dans une case peut donner un sentiment de contrôle (ça rassure de savoir à quoi s’attendre d’untel ou untel), mais nous enferme dans notre propre lecture de l’autre qui se retrouve  catalogué (jugé à tort ou piégé par une première impression en sa défaveur).

 

 

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

Une étiquette pour destinée
« Tu ne tiens pas en place, tu n’es jamais content, tu es un jaloux... »

La représentation de soi repose sur un système de croyances intériorisées. La certitude de nos forces et faiblesses a autant le pouvoir de nous construire que de nous détruire. Parfois anxiogènes ou paralysantes, nos croyances limitantes brident notre potentiel et génèrent freins et blocages.

Confondre l’enfant avec son comportement conduit à lui faire endosser un rôle dont il pourra difficilement se départir. L’enfant va agir de manière conforme à la définition qu’on lui donne de lui-même. Il grandit avec « son étiquette » comme seconde peau, et une image erronée de soi.

Dire à un enfant « tu es un menteur » parce qu’il a dissimulé une bêtise, c’est faire une généralité de son comportement (qui certes peut agacer). L’usage du temps présent transforme un événement ponctuel (quand bien même il se répète trop souvent à notre goût) en vérité intemporelle, qui porte atteinte à l’estime de soi.

Les prophéties auto-réalisatrices (concept du  sociologue américain R. King Merton)

Pris dans un cercle vicieux, on renforce des comportements ou en adopte de nouveaux pour contribuer à construire une vérité. Confirmant l’étiquette qu'on nous a collée, notre posture nous conforte dans la justesse de notre vision de nous-mêmes : je suis râleur, paresseux, maladroit…  L'effet pervers des prophéties auto-réalisatrices consiste à trouver des preuves pour les justifier et les valider, à aligner (inconsciemment) ses actes de façon à ce que la réalité s'y conforme. Le supposé bagarreur va devenir agressif, le supposé timide va se montrer réservé…

À force de s’entendre répéter qu’il est comme ci ou comme ça, l’enfant apprivoise et s’approprie le(s) trait(s) de caractère qu’on lui attribue. Devenu adulte, il peut s’en servir d’excuses pour rester dans sa zone de confort et ne pas prendre les rênes de sa vie personnelle ou professionnelle, sous prétexte qu’il est trop tête en l’air ou fragile pour…


L’effet Pygmalion, ou l’étiquette scolaire

Les psychologues américains R. Rosenthal et L. Jacobson ont mené une expérience dans une école défavorisée. Ils ont fait passer en début d’année des tests de QI et ont attribué un résultat surévalué à 20% des élèves, puis se sont arrangés pour que les enseignants prennent connaissance de résultats aléatoires. En fin d’année, de nouveaux tests de QI ont été réalisés : les résultats des élèves dont les performances avaient été surévaluées ont augmenté. Davantage encouragés par les enseignants du fait d’attentes positives sur leur potentiel, les élèves désignés comme prometteurs ont progressé.

Avec le processus psychologique inverse (l’effet Golem), l’enfant risque d’intérioriser des remarques négatives (tu es lent, tu n’arrives à rien) et de se convaincre qu’il n’est pas intelligent. Résigné, convaincu qu’il n’est pas capable d’apprendre, l’enfant refuse de travailler et de croire en lui. Ainsi, les préjugés et attitudes d’enseignants conditionneraient certains échecs scolaires en stigmatisant des élèves selon divers critères (le genre, l'origine ethnique, la classe sociale, les performances antérieures, l'apparence physique).

La maîtresse de Louis, 6 ans, lui annonce qu’elle a inscrit dans son bulletin (qui va le suivre du CP à la troisième) qu’il est bavard et provocateur. L’enfant conclut : « je parle trop et je suis méchant ». Considéré depuis la maternelle comme un enfant à fort caractère, pas fait pour le système scolaire, le garçon grandit avec des « je ne sais plus quoi faire de toi ».

Se libérer des cases et des étiquettes

On n’est pas juste un colérique ou la bonne copine à l’oreille attentive, ni uniquement une mère de famille ou l’éternel célibataire : s’identifier à une seule facette de notre personnalité, c’est vivre coincé dans une case.

La bonne nouvelle, c’est que si notre manière de penser, d'aborder la vie et nos relations, sert de filtre à notre réalité, il est alors possible de travailler sur soi, pour modifier notre représentation de nous-mêmes. Trouver sa place c’est apprendre à ne pas jouer un rôle, savoir qui l’on est vraiment, sans chercher à plaire ou à correspondre à l’image que les autres ont de nous. Trouver sa place c’est rester soi-même, quelle que soit la situation.

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

 

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