
Ces mots peuvent surgir comme une évidence, après des années d’incompréhension, d’épuisement et d’errance. Pour d'autres, pleine de doutes et de remises en question, cette hypothèse qu'on n'ose formuler reste en sourdine. Dire « je crois que je suis autiste », ce n’est pas se coller une étiquette. C’est souvent un point de bascule intérieur, le début d’un chemin vers soi. Une quête de sens pour comprendre ce qui, depuis toujours, semblait « décalé ».
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
Repenser l’autisme, loin des stéréotypes
On connaît encore trop l’autisme à travers des clichés réducteurs : l’enfant mutique, le génie solitaire, l’absence d’émotions ou de contact visuel... Il n’existe pas un seul autisme, il y a
autant d’autismes que de personnes concernées. Aujourd’hui, la psychologie utilise le terme de trouble du spectre autistique, pour refléter la diversité des profils et des
vécus.
Chez les adultes – et en particulier chez les femmes – l’autisme peut se manifester de façon subtile, comme une différence invisible.
Beaucoup ne reçoivent jamais de diagnostic, ou seulement très tard.
Un fonctionnement, pas une maladie
L’autisme (ou TSA) n’est pas une pathologie. C’est un mode de fonctionnement neurodéveloppemental. Il influence la façon de percevoir le monde, de ressentir, de communiquer, de gérer les imprévus, les relations, les émotions… On parle de neurodiversité pour reconnaître que nos cerveaux ne fonctionnent pas tous de la même façon. Ces différences — comme l’autisme, le TDAH, ou la dyslexie, etc. — ne sont pas des anomalies, mais des variations naturelles de l’être humain.. Les personnes neuro-atypiques présentent des façons d’être et de penser singulières.
Des forces spécifiques souvent méconnues : la pensée en arborescence, la créativité, la loyauté, l’hyperfocalisation sur un domaine, une
authenticité brute, une complexité intérieure, le sens aigu de la justice ou encore une capacité d’analyse fine sont autant de ressources que de nombreuses
personnes autistes développent.
L’autisme invisible : ce qui ne se voit pas, mais se vit intensément
L’autisme sans déficience intellectuelle peut passer inaperçu à l’âge adulte. Certains ont appris à s’adapter. Leur intelligence sociale repose sur
l’observation, l’analyse, le mimétisme, l’effort… pas sur l’intuition spontanée des codes sociaux.
Des différences souvent subtiles, mais très présentes :
- Hypersensibilité (ou hyposensibilité) aux sons, à la lumière, aux textures
- Difficultés avec les implicites sociaux
- Besoin marqué de routines, de structure, de prévisibilité
- Pensée en détail, avec un hyperfocus sur des intérêts spécifiques
- Communication directe, sincère, parfois jugée maladroite ou brutale
- Épuisement lié à la suradaptation et au camouflage constant
Camouflage et épuisement : quand cacher son autisme pèse lourd
On estime que 80 à 90 % des femmes autistes pratiquent le camouflage social, sans en avoir toujours pleinement conscience. Ce besoin de masquer sa différence, de se
suradapter pour éviter le jugement ou l’exclusion, est généralement nourri par un sentiment de honte - celui d’être perçue comme « bizarre » ou inadaptée. Ce poids invisible peut
provoquer fatigue chronique, anxiété, burn-out ou dépression.
Claire, 34 ans
« Pendant des années, je pensais être juste hypersensible. Sur le papier, tout allait bien : travail, amis, stabilité. Mais intérieurement, j’étais mal. Le soir, je m’effondrais. J’avais peur de
dire une bêtise, de trop parler. Découvrir le concept de camouflage a tout changé : je n’étais pas faible, je portais un masque depuis toujours. »
Chez certains autistes, le retrait lié au besoin de routines et d’espace personnel aide à réguler la surcharge sensorielle et émotionnelle.
Thomas, 42 ans
« On m’a toujours trouvé bizarre, froid, distant. Ce n’était pas ça. J’avais besoin de silence, de règles claires, de solitude. Quand j’ai lu un témoignage sur l’autisme, j’ai compris, j’ai
pleuré de soulagement. Pour la première fois, je me suis reconnu. »
Découvrir qu’on est peut-être autiste peut susciter un mélange d’émotions : soulagement, colère, tristesse, mais aussi un profond sentiment de libération. Ce n’est pas s’enfermer
dans une case ni se trouver des excuses, mais une relecture de son parcours et de sa
personnalité.
Cette meilleure compréhension de son fonctionnement est une clé pour s’accueillir avec bienveillance. Elle aide aussi à mettre des mots sur ce trop-plein constant — les regards, les attentes sociales, les ajustements invisibles — qui finit par user.
Diagnostic ou auto-identification : deux chemins valables
Certaines personnes souhaitent un diagnostic officiel : pour être reconnues et apaiser leurs doutes. D’autres s’en tiennent à une auto-identification, vécue comme une réconciliation avec
soi-même.
Quelques repères chiffrés : environ 1 % de la population mondiale serait autiste, soit 700 000 personnes en France, dont 500 000 adultes, souvent non diagnostiqués.
Chez les femmes, le diagnostic survient en moyenne entre 30 et 40 ans, contre 7 à 8 ans chez les garçons. Plus de 50 % des adultes autistes ne sont pas diagnostiqués, ou reçoivent un diagnostic
erroné (trouble anxieux, borderline, dépression…).
Ce que cette prise de conscience peut changer
Reconnaître un fonctionnement autistique, c’est souvent poser des mots sur une souffrance ancienne, mais aussi ouvrir des pistes pour aller mieux :
- Adapter son quotidien à ses besoins (moins de stimulations, plus de repos)
- Sortir de la suradaptation et apprendre à poser des limites
- Tisser des relations plus authentiques, respectueuses de son rythme
- Se traiter avec plus de douceur, de patience et de clarté
- Comprendre qu’on n’a pas à s'excuser d’être tel qu’on est
Et si j'étais autiste ? Auto-questionnaire pour explorer ce qui résonne en soi.
Être autiste : une identité, pas une prison
Dire « je crois que je suis autiste » n’est pas se réduire à un mot. C’est se libérer d’une lutte invisible pour se conformer à ce qui ne nous correspond pas. C‘est commencer à s’écouter,
entendre ses besoins.
Être autiste, ce n’est pas être "moins". C’est penser et ressentir les relations aux autres et au monde différemment.
Se comprendre, c’est transformer cette différence en mode d’emploi, pour mieux vivre en étant pleinement soi.
Être autiste et heureux·se, c’est possible
L’autisme ne signifie pas forcément détresse intérieure ou difficultés. Il peut aussi rimer avec apaisement, joie et équilibre. Apprendre à vivre selon son propre rythme, cesser de se suradapter, procurent un profond sentiment de liberté. Se reconnecter à ses centres d’intérêt, à son monde intérieur, à sa manière singulière de ressentir apporte un grand bien-être.
Être autiste, c’est parfois aimer la solitude sans s’y sentir seul·e, voir la beauté dans les détails, ou vivre ses passions avec intensité. C’est aussi tisser des liens profonds et sincères, en dehors des conventions. Ce n’est pas un obstacle au bonheur – juste une autre façon de le rencontrer.
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
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